"Après avoir envahi et intoxiqué les milieux de l'architecture contemporaine et ceux de son enseignement, dans le monde entier, et s'y être malheureusement incrusté (surtout aux
États-Unis et
dans les sphères de l'ordre et du climat américains), et maintenant que les tambours crevés du postmodernisme martèlent encore des sons de plus en plus discordants et incohérents, on voit déjà
poindre à l'horizon un autre funeste fossoyeur de la modernité, de l'invention et de la métamorphose cristalline : l'architecture de I'éphémère, brocante conventionnelle n'ayant rien à voir avec les constantes de la tradition.
Mais, fort heureusement, pour modérer le tintamarre assourdissant provoqué par la tentative d'instauration d'un retour à une architecture académicienne, s'est ouverte l'«Année Le Corbusier », venue à point pour enrichir nos esprits et reformer autour de nous un halo de lumière et de sérénité.
Elles ne se comptent plus les manifestations (congrès, conférences, réunions, concours, séminaires, colloques, expositions, voyages, cours universitaires et rencontres culturelles) qui rappellent I'œuvre, la vie et le souvenir du grand architecte visionnaire.
Mais, tous ces discours, ces articles, ces livres et ces rassemblements ne doivent pas nous faire oublier les attaques malveillantes et virulentes dont Le Corbusier fut longtemps l'objet.
Aujourd'hui encore, il est question de démolir, de ne plus achever ou de ne pas restaurer des ouvrages importants de Le Corbusier appartenant pourtant au patrimoine mondial.
Certes, à propos de toutes les interventions qui ont lieu autour du centenaire de la naissance de Le Corbusier, Jacques Gubler a fort pertinemment parlé
d'émiettement considérable des manifestations. A cette opinion, que je partage pleinement, j'aimerais ajouter mon avis personnel.
Je déplore infiniment que I'on ait profité de l'hommage universel rendu à Le Corbusier, pour organiser aussi une série d'exhumations trahissant sa pensée en épuisant des fonds de tiroirs pour en tirer un profit matériel ou simplement un parti publicitaire.
Je déplore ce trafic marginal de manipulation fort pernicieux et irrespectueux envers la mémoire et la figure rayonnante de Le Corbusier.
A ces mêmes propos, rappelons qu'il y a trente-sept ans, le fameux carnet de notes de Le Corbusier concernant l'étude du Palais des
Nations Unies à New York connut un sort étrange et mystérieux.
A dessein de nuire à son auteur, il lui fut dérobé (et ensuite retrouvé) par des plagiaires malintentionnés qui avaient intérêt à le faire disparaître pour obnubiler le nom du véritable créateur du Palais de l'ONU.
Le Corbusier dans l'œuvre et le souvenir
Dans le grand mouvement de l'architecture, de I'urbanisme et de l'art moderne, la figure et l'œuvre de Le Corbusier se placent désormais au-dessus de toutes controverses et de toutes polémiques.
Ses idées ont acquis une telle importance et atteint un tel rayonnement, que rien ne peut aujourd'hui les retrancher du sillon profond qu'elles ont creusé et grâce auquel ont été résolus des quantités de problèmes, et a été joué le sort de l'architecture fonctionnelle, rationnelle ou organique.
D'autre part, ses idées constituent le meilleur rempart défensif de I'entente universelle qu'elles aient établi et ont modifié la physionomie et l'essence mêmes de la citė, ainsi que le sens et les modes de vivre de l'homme.
Actuellement, en étudiant de plus près Le Corbusier, il serait vain de continuer d'user d'arguments fallacieux pour entretenir, sans raison, les querelles qui divisèrent les artistes et les constructeurs en deux camps s'affrontant pour opposer une certaine tradition à l'avant-garde et inversement.
Bien que seuls les mouvements novateurs aient donné aux théories de Le Corbusier l'appui d'une solide base humaine, les violents événements de notre siècle, qui les ont souvent enrayées, nous engagent vers de plus amples considérations.
Sur la catégorie des adeptes du post-modernisme et sur celle du mouvement récent de I'architecture éphémère, nous ne nous étendrons pas davantage dans ce rapide panorama.
Cependant, nous constatons que le domaine de l'architecture contemporaine se divise de plus en deux camps bien distincts: le courant organique, qui représente la minorité, et le courant attentiste, qui reflète une majorité presque absolue. En effet, dans cette troublante partition sommaire, dans cette lutte de la lumière contre I'ombre, dans cet engagement brutal où l'intelligence doit se défendre des contraintes des inhibitions de l'inactualité, nous distinguons toujours, cela va sans dire, deux catégories d'architectes séparés par d'insurmontables barrières conceptuelles et techniques, mais
l'on perçoit que les divergences et les contrastes d'ordre esthétique, plastique et moral entrent dans la sphère d'une attitude moins irréductible. On adopte une position moins intransigeante.
D'un côté, il y a toujours ceux qui, dans leur attachement aux habitudes des temps dépassés et aux modes passagères, souhaitent leur survivance et ne veulent rien ou peu changer : de l'autre. il y a ceux dont la ferveur innovatrice, la recherche expérimentale et l'imagination fertile s'absorbent dans les élans de l'intuition et des anticipations.
Le Corbusier, dont l'œuvre est fermement établie sur la créativité et l'audace de ses conceptions en matière d'urbanisme, d'architecture, de stylisme, de peinture et de sculpture, appartient à
cette classe privilégiée et unique de grands inventeurs qui n'ont pas exclu de leurs propos l'analyse fondamentale et admirative des maîtres anciens.
Dès le début, Le Corbusier a observé et étudié avec intelligence et amour les ouvrages magistraux du passé.
Pour illuminer son périple autoformatif, Le Corbusier cherche à connaître les valeurs éternelles des civilisations et de leur histoire en se replongeant, au cours de ses voyages, dans les cycles fulgurants
de la Grèce, de Rome, du Moyen Age, de la Renaissance et de l'Orient.
Ce sont précisément ces travaux qui lui ont démontré l'inactualité de l'académisme, les dangers des préceptes surannés, des partis pris soulignant sans discernement, la soi-disant perfection de certains édifices anonymes, pourvu qu'ils soient chargés d'années ou puissent servir à l'enseignement rétrograde de l'imitation.
Le Corbusier, par contre, n'a pas pratiqué ce moyen illusoire, n'a pas cru aux impossibles réapparitions, ni aux feux follets des exhumations prônées aujourd'hui par le postmodernisme.
L'idée de I'habitation à unités répétées et groupées, Le Corbusier l'a perçue en Toscane, en méditant sur la structure, l'implantation et l'alignement des cellules en porte à faux de la chartreuse du
Galluzzo, de Florence ou du Val d'Ema, fondée en 1342.
Quant à I'idée de la maison minimale, Le Corbusier en a découvert I'embryon en Lombardie, en examinant attentivement et dans tous les détails, l'ensemble de cellules monacales du grand cloître de la chartreuse de Pavie, créée en 1396.
La transfiguration des principes primordiaux de l'architecture organique, à travers une catéchèse d'intuitions et d'instructions, aussi bien que la préfiguration des constantes génératrices de la tradition, ont aussi leur importance dans le développement logique de l'œuvre de Le Corbusier, dont elles sont souvent le tremplin inspirateur.
Le réticulage orthogonal, coordonnateur de plans d'urbanisme et d'architecture de Le Corbusier, on le trouve déjà à l'état potentiel à la Renaissance italienne.
II fut ensuite codifié en 1615 dans le Traité de l'idée de l'architecture universelle de Vincenzo Scamozzi.
Mais il apparaît, en effet, dans les théories de Leon Battista Alberti, dans les études anthropométriques de Leonardo da Vinci, de Fra' Giocondo, de Cesare Cattaneo et dans les travaux d'autres humanistes, pour aboutir enfin, en 1854, dans les réalisations d'Alessandro Antonelli.
En réarticulant génialement ces principes, Le Corbusier a créé des sources nouvelles de l'art de bâtir, la mesure plastique et les proportions latines des harmonies méditerranéennes de son architecture et de son urbanisme.
Les motifs d'inspiration de Le Corbusier, qu'il renouvelle chaque fois, sont multiples et probants.
En projetant, par exemple, le plan régulateur d'Alger, il y applique le système de la tensistructure de Guido Fiorini.
Quant à l'idée des pistes sur les toitures, il la tire naturellement de la piste aérienne d'essais pour automobiles de la FIAT, au Lingotto de Turin, que Giacomo Mattétrucco a réalisée en 1919.
Concernant les notions de confort et de rationalité stylistique du mobilier (qui nous intéresse particulièrement aujourd'hui), Le Corbusier a certes connu et médité les théories du moine vénitien
Fra' Carlo Lodoli, le Socrate de l'architecture (1690-1761), réviseur de la Seigneurie de Venise, bouillant agitateur à Vérone et à Padoue, qui, au XVIII siècle, détermina pour la première fois les principes de l'architecture organique, dont il eut l'intuition, et en créa le terme approprié.
Les conceptions de Fra' Carlo Lodoli émanent d'idées de pure avant-garde. Elles condamnent les édifices dont les façades n'ont qu'un caractère décoratif.
Bien avant Adolf Loos, Fra' Carlo Lodoli préconise la suppression totale de l'ornementation en architecture.
Il propose une architecture en fonction et non une architecture en représentation. Bien avant le grand Alvar Aalto, il entend que les meubles soient conçus de telle sorte qu'ils puissent répondre aux fonctions et aux buts auxquels ils sont destinés.
Lodoli s'insurge contre les formes irrationnelles du mobilier de son époque. II déclare que c'est aux épaules qu'appartient le droit de donner la forme au dossier des chaises et au postérieur la forme
du siège. A cet effet, Lodoli crée un modèle organique de siège épousant correctement la forme humaine. A l'appui de sa thèse pratique, il fait remarquer que, jusqu'ici, les anciens ont obligé le
monde à être mal assis.
Fra' Carlo Lodoli affirme également que, désormais, il faudrait construire les maisons comme des
chaises raisonnées.
Bien qu'infiniment sensible à l'extrême beauté d'innombrables œuvres créées par la nature et par l'homme, dans son engagement suprême d'idéateur, Le Corbusier s'est particulièrement préoccupé
d'imaginer un nouvel art scientifique des accords et des équilibres les plus hardis.
Mais il a également souligné les réalités d'un proche avenir en déclarant qu'il fallait mettre un frein à la pléthore de villes tentaculaires, phénomène d'ordre physiologique et pathologique menaçant à
enrayer.
Pour bien connaître Le Corbusier, sa pensée, ses thèses, ses thèmes, ses prophéties, sa place dans les métamorphoses de l'architecture fonctionnelle, c'est-à-dire savoir tout de lui, ou, au moins, ses
concepts essentiels, il ne suffit pas de lire ses écrits, d'étudier ses dessins, d'analyser ses constructions, d'examiner ses peintures et ses sculptures, dans des intentions exclusivement culturelles, mais il faut aussi et surtout saisir l'entière portée des conséquences de son apostolat.
L'édification d'un univers inédit et inexploré, selon l'esprit nouveau de Le Corbusier, a tracé soudainement les chapitres de cette immense aventure créatrice qui n'aurait pas dû prendre l'homme au dépourvu, car elle était en grande partie prévisible.
C'est en suivant cette orientation que Le Corbusier proposa de mobiliser l'homme pour l'engager sur les quatre routes symbolisant les œuvres de l'air, de l'eau, de la terre et du fer.
Et c'est ainsi que Le Corbusier imagina un gigantesque programme pour l'équipement des villes et des campagnes; qu'il pensa aux problèmes de la préfabrication de l'habitat et des principaux éléments
des tissus urbains, de l'environnement, de l'interpénétration des regroupements agricoles et industriels.
Suivons la pensée magistrale de Le Corbusier.
En statuant sur les moyens colossaux auxquels il faudra avoir recours pour affronter et réaliser le grand rêve de l'architecture fonctionnelle dans un énorme complexe social international, Le Corbusier met l'accent sur l'amplitude d'un phénomène naturel comparatif.
II nous dit que toute marée comporte un flux et un reflux, et que pour résoudre les problèmes infinis d'une politique globale de l'architecture et de l'urbanisme, il est indispensable d'opérer dans la marée
montante. Dans cet esprit, Le Corbusier souhaite l'avènement d'une civilisation corporative nouvelle, d'une société moderne où l'homme puisse fonder son foyer à l'abri des incertitudes, dans les distributions spatiales d'un art et d'une science du bonheur.
Le Corbusier souligne également que l'apparition soudaine et grandissante, dans notre vie, du mouvement, de la rapidité, de la vitesse, du mobilisme, de la velocità (pour employer le terme futuriste
indiquant bien la sauvage explosion qu'elle comporte) a modifié profondément la face du monde, ainsi que nos modes de communication, et qu'il faut, par conséquent, en tenir compte.
Ouvrons maintenant une parenthèse à propos de Le Corbusier fonctionnaliste.
Au cours des siècles, dans les métamorphoses et la succession des styles et des formes, les vrais constructeurs ont toujours créé selon les principes de l'architecture fonctionnelle, rationnelle, organique, c'est-à-dire de la construction correcte.
Les formes changent. Elles résultent d'une intuition et d'une invention auxquelles s'incorporent les progrès et les acquis expérimentaux de la technique et de la science. Mais I'architecture reste
toujours un art.
Le Corbusier, architecte absolument fonctionnaliste, tourna parfois en dérision le terme de fonctionnel appliqué à l'architecture. II le jugeait superflu. Il préférait la dénomination d'architecture tout court. Ce qui ne l'a cependant pas empêché d'user du terme de purisme (appellation qui se réfère également à
Paolo Uccello et à Piero della Francesca) et non de peinture tout court, pour la peinture de sa première manière: à notre avis, la seule qui épouse la noblesse et la rigueur des rythmes et des modelés plastiques de son architecture.
Sans aucunement partager les principes sociaux et les thèses des régimes totalitaires, les créateurs géniaux font fi des frontières et des couleurs politiques dans la réalisation de leurs grands rêves.
Ils ont une âme universelle et font feu de tout bois.
A l'instar de Leonardo da Vinci, par exemple, qui travailla, tour à tour, pour la Seigneurie de Florence, pour Ludovic le More, Soliman le Magnifique, César Borgia, la République de Venise, Julien de Médicis, le pape Léon X, les rois de France Louis XIl et François Ie, Le Corbusier offrit ses services, directement ou par voie interposée, à la Russie soviétique, à l'Italie fasciste, à la France du Front populaire et à celle de Vichy, entre autres.
Cinq points cardinaux forment les fondements des recherches de Le Corbusier en matière d'urbanisme et d'architecture: la classification des éléments organiques des villes, la répartition des îlots, les tracés de circulation, les profils des cités, la typification et la normalisation des matériaux.
Aujourd'hui, il n'est pas question de reprendre les longs discours qui ont été abordés à maintes reprises durant les années vingt et trente. Ces discours concernaient les perspectives et les valeurs des innombrables manifestations architecturales, urbanistiques, plastiques et culturelles qui constellèrent l'œuvre et particulièrement les chapitres de La maison de Le Corbusier: Tessère, marqueterie génératrice d'un nouveau tissu urbain.
Bien que leur importance soit condensée dans les événements qui recueillent maintenant les synthèses, les développements, les transcriptions et les interprétations des aspirations idéales de son unique personnalité, il n'y a pas lieu d'y revenir.
Mais nous voulons vous dire encore quelques mots de Le Corbusier anecdotique.
Le phénomène, absolument nouveau, qui s'est déployé et se développe toujours autour de l'essence créatrice de Le Corbusier, est un fait inéluctable que l'on ne peut récuser. Ce phénomène bouleversant s'inscrit désormais dans un comportement naturel qui continue à s'orienter vers le futur. Les riches et complexes inventions de Le Corbusier qui le constituent s'insèrent étroitement dans les
périodes les plus électives et les étapes les plus significatives et émotives de la civilisation mécanique et du dynamisme idéal intentionnel.
Paradoxalement, on pourrait dire que sans Le Corbusier, il n'y aurait pas d'architecture moderne. Le Corbusier est sans nul doute l'un des plus grands architectes de tous les temps.
Le Corbusier, quelque chose de plus qu'un génie. Pour nous qui l'avons défendu durant les périodes difficiles, nous sommes extrêmement heureux de constater qu'il fait aujourd'hui l'unanimité dans le monde entier.
Certes, les temps ont bien changé ! En effet, lorsque le comité de l'Association internationale des amis de Le Corbusier, dont j'étais alors vice-président, voulut célébrer, dans une église de La Chaux-de-Fonds, le dixième anniversaire de la mort de Le Corbusier, il ne rencontra que l'indifférence.
En l'absence de représentants officiels de la ville natale de Le Corbusier, ne se réunirent, autour de l'abbé René Bolle-Reddat, curé de Notre-Dame-du-Haut, venu tout exprès de Ronchamp, que quelques très rares admirateurs du grand architecte, dont nous désirions marquer le souvenir: les architectes Emery senior, Marcel Gut, Pierre Girard et deux ou trois autres amis.
J'ai eu la chance et l'honneur, jeune architecte, de vivre des heures inoubliables auprès de lui, en 1928, au château de La Sarraz, où il fut l'instigateur et l'entraîneur du premier Congrès préparatoire international d'architecture moderne, où je représentais l'Italie. Le Corbusier fut véritablement un dispensateur, un animateur, un inventeur exceptionnel d'idées et de projets.
L'architecture de Le Corbusier est un corps organique transmissible. Contrairement à celle de Frank Lloyd Wright, par exemple, l'architecture de Le Corbusier a fait école car elle est d'un ordre universel: elle constitue un patrimoine mondial.
L'hostilité envers Le Corbusier fut toujours très grande et injustifiée.
Il me souvient, il y a de cela quelques années, lors d'une conférence académique qu'il prononça à Lausanne, dans la grande Aula de l'École polytechnique fédérale, devant un auditoire de plus de
mille personnes, qu'un célèbre sociologue français, Henri Lefebvre (auteur de l'ouvrage Le droit à la ville) affirma que Le Corbusier était un assassin.
Personne ne broncha et mon voisin, le Dr Alberto Abriani, me retint pour que je ne fasse pas à mon tour un esclandre en signe de protestation.
Autre exemple d'intolérance à l'égard de Le Corbusier. Quand Le Corbusier pensa que le temps était venu de répondre, par une œuvre nouvelle, aux critiques affirmant qu'il n'était point parvenu à dépasser le stade de I'angle droit et de la plastique cubiste, il lança en défi, à la face de ses détracteurs désemparés, la merveilleuse liberté linéaire et volumétrique de la géométrie spatiale du temple de Ronchamp.
D'aucuns qui exaltent aujourd’hui Le Corbusier oublient trop facilement qu’ils l'ont outrageusement contrecarré ou combattu autrefois. De toutes les manières, dans la pensée, l’esprit et le travail.
D'aucuns qui, dans la dernière décennie, en ont renié les principes, après les avoir bien exploités, se présentent maintenant devant la rampe pour le glorifier. Ils l'ont dédaigné longtemps et s'acharnent aujourd'hui à l'apprécier maladroitement.
Ils ont été incapables de le comprendre; ils n'ont pas été en état de saisir par le regard et par intuition ce qu’ils tentent maintenant de découvrir par obligation ou par des raisonnements déformés.
Caméléons prétentieux et pernicieux bien encombrants.
Le Corbusier n'a jamais recherché ni aimé les honneurs. Sa vie entière fut une longue fièvre créatrice, tenue à l'écart de toute rhétorique.
A ce propos, je vais vous citer un trait significatif de son caractère.
A la fin des années soixante, si je ne m'abuse, la Faculté d'architecture de l'Université de Lausanne voulut lui rendre un hommage bien mérité. Alors que fusaient ou se succédaient les discours adulateurs,
Le Corbusier me fit part de son ennui et de son désappointement. Puis il me pria de filer avec lui à l'anglaise pour aller manger tranquillement des œufs au plat chez son frère musicien.
Et pour terminer, en l'honneur de Le Corbusier et pour en perpétuer le souvenir, reportons-nous à la devise des princes et souverains hindous (qui est aussi celle de la République et Canton de Genève); reportons-nous au fameux slogan des radjahs et maharadjahs associés,
un pour tous, tous pour un, en le transformant dans le motto suivant:
un pour tous, tous pour lui, déjà évoqué.
Alberto Sartoris (1901-1998)
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