lecture Prier, ce n’est pas parler, mais c’est écouter
Assemblée Générale des Amis de la Fille-Dieu du 28 avril 2007
Exposé de Mère Hildegard Brem, abbesse de Mariastern-Gwiggen

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Mère Hildegard Brem, abbesse de Mariastern-Gwiggen

 

 

"Chers Amis de la Fille-Dieu,

Actuellement, le monastère de Mariastern compte 24 moniales, y compris 2 candidates qui se préparent à la vie monastique. D’origine suisse, le monastère existe depuis 150 ans à Mariastern. L’année dernière, à l’occasion du jubilé, les sœurs ont écrit et mis en scène une pièce de théâtre. Cette pièce a été jouée à plusieurs reprises, une fois même à Weinfelden. Plusieurs personnalités importantes du canton de Thurgovie étaient présentes et se sont même repenties d’avoir chassé les cisterciennes.

L’âge moyen des religieuses est de 47 ans, une quinzaine ont près de 40 ans. C’est l’âge de la réflexion : « Qu’est-ce que j’ai fait de ma vie dans les 10 dernières années ? Qu’est-ce que je pourrais faire encore ? Ce sont les questions qu’elles se sont posées. La réponse est difficile à trouver. Mère Agnès, abbesse avant moi, avait déjà ressenti la difficulté de réaliser une unité et de par là de rester dans la vie monastique. Lorsque j’ai été élue abbesse, j’ai décidé de continuer sur le même chemin et même encore d’approfondir en cherchant une maxime. J’ai pensé au premier mot de la règle de St Benoît « Écoute ! » et c’est pour cela que j’ai choisi ce mot comme devise. Vous savez que ce n’est pas par hasard que les anciens écrivains, lorsqu’ils écrivaient quelque chose, attachaient une très grande importance à l’écoute.

Si St Benoît commence sa règle par « Écoute mon fils ! », ça veut dire que c’est comme un thème général pour toute la règle et, on peut le voir, c’est vraiment un thème monastique qui est très, très important. Pour moi, cette écoute a plusieurs côtés sur lesquels on peut réfléchir. D’une part, je pense, cette écoute a un côté horizontal et un côté vertical. Le côté vertical, c’est l’écoute de Dieu, de la parole de Dieu, car nous essayons en communauté de rester dans une atmosphère de silence, de recueillement, de prière et vraiment de vivre l’écoute de Dieu, de la parole de Dieu et d’être devant Dieu ; ça, c’est le fondement pour, on peut le dire, vivre l’autre dimension de l’écoute, c’est l’écoute horizontale. C’est comment Dieu parle-t-il avec nous. Il y a certainement plusieurs possibilités mais, en général, il ne répond pas directement à nos questions. Ce serait bien confortable ! La plupart du temps, cela ne fonctionne pas. On peut lui poser beaucoup de questions, mais la réponse où est-elle ? On ne la reçoit pas immédiatement ; souvent on la reçoit d’une autre façon, par des hommes qui sont autour de nous. Ce sont nos frères, nos sœurs, notre famille, nos amis, les gens avec qui l’on travaille et aussi par eux Dieu nous parle. Et j’ai pensé pour nous, ce qui était très, très important, c’était de trouver une unité que nous avons recherchée ensemble car, tout de suite après mon élection, j’ai commencé les dialogues en communauté. Les premiers mois, nous les avons faits tous les 15 jours et, peu après, nous nous sommes proposé des thèmes de la vie monastique, nous avons cherché comment peut-on vivre cette vie aujourd’hui et nous avons établi un petit règlement de cadre qui sert pour toutes les sœurs et qui fonctionne bien maintenant, je trouve ! Lorsque nous avons fait ça, j’ai vu très vite que c’était aussi très utile pour l’unité de la communauté de vraiment parler ensemble dans une attitude d’écoute. Nous savons, nous parlons beaucoup, mais souvent nous n’avons pas cette attitude ; elle n’est pas normale, automatique, elle est assez exigeante on peut le dire, c’est-à-dire que lorsqu’on parle ensemble, que l’on dialogue ensemble dans l’attitude de l’écoute, on n’est pas toujours occupé à penser : Qu’est-ce que je vais lui dire, qu’est-ce que je vais lui répondre ? On commence par écouter ce qu’il veut me dire. Est-ce que ce qu’il veut me dire est vrai ? Qu’est-ce qui est vrai dans ce qu’il veut me dire ? Qu’est-ce qui peut être la parole de Dieu pour moi maintenant, en cet instant ? Cela ne va pas aussi vite que si on parle normalement, si l’on procède ainsi, ça aide beaucoup à trouver une solution commune. Pour nous aussi, c’est toujours un défit. On ne peut pas dire que ça fonctionne automatiquement toujours.

Chez nous, ça ne fonctionne pas comme ça et je pense que, chez vous, cela sera pareil. Mais quand même c’est un but qui vraiment est digne d’être atteint. Par exemple, nous avons agi de la sorte face à un thème difficile. Nous avons réfléchi, nous avons prié, puis nous ns fait une ronde et chaque sœur a dit ce qu’elle pensait sur ce thème, nous n’avons pas discuté, nous voulons écouter et maintenant nous restons en silence. Avant les thèmes, les opinions étaient très différentes, l’une pensait ça, l’autre ça et l’autre encore autre chose. Nous nous sommes assemblées encore une fois, peut-être 15 jours plus tard et, à ce moment-là, j’ai vu qu’il y avait eu déjà un développement durant ces 15 jours, c-à-d que les attitudes des sœurs n’étaient plus les mêmes. Quelque chose s’était passée! C’est ce qui m’a frappé au début, parce que j’ai pensé « Aie ! » maintenant, je sais très bien ce que pense cette sœur, et cette sœur, et cette sœur, mais ce n’était pas si fixe que ça et souvent, après le deuxième dialogue, on a déjà pu trouver quelque chose de commun, au moins un cadre commun et, à la fin, presque tout le monde était d’accord et c’était pour moi un petit miracle que je n’aurais jamais imaginé auparavant. C’est naturel que les opinions soient très différentes et j’ai vu vraiment que, si on parle ensemble en écoutant, c’est autre chose que si on a une discussion comme ça. Ce qui était aussi très beau, c’est que, quant aux principes fondamentaux, c’était très facile de trouver une unité. Ce qui était plus difficile, c’était de trouver une unité dans des questions spéciales. La question la plus difficile que nous avions à traiter, c’est l’activité des sœurs dans leur temps libre. Quelques sœurs aiment faire du vélo autour du monastère. Qu’est-ce qu’on porte quand on fait du vélo ? Les unes ont dit l’habit et le voile, et bien sûr les autres ont dit des pantalons. C’était la question la plus difficile à résoudre. Voilà les expériences que moi j’ai faites. Maintenant, en préparant cet exposé, j’ai réfléchi aussi comment vous aider lorsque vous rentrerez à la maison, vous qui ne vivez pas en communauté comme moi et j’ai un peu réfléchi aussi sur ces deux aspects : l’écoute du cœur horizontale et verticale. Sur l’écoute du cœur verticale, je me suis souvenue d’un mot du philosophe danois Sören Kirkegard. Nous le lisons souvent à table. Il dit : « Au début quand j’ai commencé à prier, j’ai toujours cru que prier, c’est parler avec Dieu et je pense que c’est commun. On dit à tout le monde, aux enfants, si vous priez, vous parlez avec Dieu, vous pouvez lui dire tout ce que vous voulez, tout ce que vous pensez, tout ce qui est important pour vous et puis, plus tard, j’ai réalisé que prier, c’était plus : c’était rester en silence, se taire. Alors on peut dire : c’est encore une démarche supérieure, pas toujours parler, mais rester en silence devant Dieu, avec Dieu. Je crois que vous pouvez suivre et que vous imaginez peut-être ce qu’il veut dire. Je pense toujours à une relation entre des amis ou un jeune couple, lorsqu’ils ont beaucoup à parler. Ce n’est pas le moment où la relation est la plus profonde, c’est quand ils ne parlent plus, parce que souvent on dit : On ne parle pas, parce qu’on n’a plus rien à dire, mais ça n’est pas juste. On ne parle plus parce que ça n’est plus important. On peut être l’un avec l’autre sans parler et je crois que c’est aussi la même chose dans la relation avec Dieu. Si la relation devient plus profonde et plus intime, on peut rester avec Dieu même sans parler. C’est beau d’être avec Lui, c’est beau d’être en sa présence. Alors vous comprenez que la relation est devenue plus profonde quand ça devient possible.

Je répète : Prier, ce n’est pas parler, mais c’est écouter ! Si l’on a un problème, on peut le poser devant Dieu et attendre qu’il nous parle, mais dans une autre dimension, comme déjà mentionné. Il nous parle par des signes extérieurs et, tout à coup, on sent que c’est la bonne solution, on reste en paix, il y a une joie intérieure qui vient. Cette expérience d’écoute n’est pas facile, elle exige une attitude de passivité active devant Dieu. Il faut avoir le temps pour lui, il faut savoir attendre, écouter, chercher, se laisser conduire. C’est toute une autre conduite qu’aujourd’hui, tant le monde veut être dynamique et créatif, et avoir du succès, mais cette attitude d’écoute devant Dieu veut dire : avoir de la patience, être sensible, être ouvert pour lui, se laisser conduire. C’est une autre attitude qui est très importante de s’exercer devant Dieu. Ainsi on peut éviter beaucoup de malentendus qui se posent souvent dans notre relation avec Dieu.
Dans notre monastère, on a souvent des gens qui nous disent : J’ai prié, mais le Seigneur ne m’a pas écouté. Il n’a pas fait ce que je voulais. Alors je pense qu’on n’a pas prié dans cette attitude d’écoute. Si l’on prie dans cette attitude d’écoute, on est ouvert, on ne donne pas des ordres à Dieu, mais on lui demande comment faire, nous le ferons ensemble.
Il y a des saints qui disent que lorsqu’ils prient, Dieu les exauce toujours. Et bien, c’est parce qu’ils prient de cette façon. Lorsqu’on veut imposer sa volonté à Dieu, ça risque de rater. C’est la dimension verticale. Dans la dimension horizontale, il y a également des attitudes dans lesquelles il faut s’entraîner pour pouvoir vivre cette écoute de Dieu. "
 

 

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