Plans en poche, Le Corbusier se mit à la recherche d’un terrain et découvrit l’endroit idéal : une mince bande de terre en bordure du lac à Corseaux. Premier exemple d’architecture moderne de Le Corbusier en Suisse, la villa " Le Lac " (la plus humble des " villas blanches ") peut être considérée aujourd’hui comme un véritable essai d’architecture. En effet elle rassemble déjà trois des futurs " cinq points d’une architecture nouvelle " : le toit-jardin (c’est ici sa première application), le plan libre et la fenêtre en bande. Maison " puriste ", véritable " machine à habiter ", elle illustre les préoccupations que Le Corbusier avait énoncées dans ses premiers ouvrages et qui avaient assuré le succès de ses villas construites à partir des années 1920 :

Il s’agit d’une construction en longueur (16 x 4 m.) sur un seul niveau (si l’on excepte la cave). Toutes les activités quotidiennes d’un couple âgé vivant sans domestiques devaient trouver place dans des espaces minima et précis (ablutions, lessive, préparation des repas, rangements, etc.). Ainsi se trouvent dans un espace de 64 m2 :

• une salle de séjour
• une chambre h coucher
• une salle de bains
• un petit salon / chambre d’amis
• un vestibule
• un W-C
• une cuisine
• une buanderie
• des espaces de rangement (garde-robe et placards).

La fenêtre en bande (11 m.) donnant plein sud permet au soleil d’entrer à flots dans l’ensemble des pièces principales et offre au spectateur le paysage grandiose du lac, de la vallée du Rhône et de la chaîne des Alpes.
Le petit salon espace modulable à l'extrémité est de la maison peut servir de chambre d’amis grâce à une cloison mobile et à des lits escamotables.

L’aménagement du terrain est aussi un fait architectural. De hauts murs clôturent le petit jardin de dix mètres de côté de façon à limiter la vue sur l’espace extérieur. Ainsi, le jardin devient une salle de verdure, un intérieur. Le mur sud est percé d’une ouverture aux dimensions d’un module de base de la fenêtre en bande. Cette ouverture qui cadre le paysage - et le met ainsi en valeur - devient en quelque sorte un tableau naturel ; l’invitation à le contempler est parfaite par la présence de la tablette et des deux bancs que surplombe aujourd’hui un grand paulownia. Devant la maison, le mur de soutènement retient les eaux du lac à 4 mètres en avant de celle-ci.

La maison, telle qu’on la voit aujourd’hui, est très proche du projet initial. Une annexe a été rajoutée en hauteur au nord-ouest (1931) et les façades ont été recouvertes au nord de tôles d’acier zingué au feu (1931) et au sud de tôles d’aluminium (1950). Le mur clôturant la propriété au nord ne fait pas partie du projet initial ; il a été ajouté en 1931, lorsque la nouvelle route internationale vint remplacer le chemin Bergère.

Certains des meubles et objets présentés dans la villa sont d’origine, comme le secrétaire et la commode (dessinés par Le Corbusier dans ses années de jeunesse), le fauteuil à dossier basculant de Madame Jeanneret, la table de la salle de séjour, ainsi que les poteries, souvenir du Voyage d’Orient qu’avait fait Le Corbusier en 1911. Les deux autres fauteuils à dossier basculant ainsi que la fameuse chaise longue à réglage continu - dessinés par Charlotte Perriand, Pierre Jeanneret et Le Corbusier, et présentés au Salon d’Automne de Paris en 1929 - sont fournis par la société Cassina de Milan qui détient l’exclusivité de l’édition. Madame Heidi Weber qui dirige le Centre Le Corbusier à Zurich a aimablement prêté les lithographies de Le Corbusier qui ornent les murs de la salle de séjour.